Le salon des vignerons indépendants de Lille

Publié le par Brigand de Brigand

Le salon des vignerons indépendants est une institution à Lille, puisqu’en novembre 2016 se tenait la 20ème édition. Belle occasion pour découvrir des hommes et des vins, le salon est aussi un monde à part, où certains viennent prendre une cuite gratos.

Lavande, carton & vins, un repas complet.

Lavande, carton & vins, un repas complet.

Les deux amis

                Ce lundi, je me suis mué en Dan Bolender du XXIème siècle et j’ai testé pour vous : « aller au salon du vin quand on est jeune et qu’on n’y connaît pas grand-chose ». Le salon se tenait au Zénith, et c’est la première fois que j’y allais. Au salon, pas au Zénith, parce que j’étais déjà allé voir Henri Dès quand j’avais quatre ans. J’avais d’ailleurs fait un super papier à l’époque.

                Bref, on (ce "on" vague et indéfini englobe l'auteur et son mystérieux sidekick. On les définira comme les "acolytes anonymes") donne donc notre invitation à l’hôtesse d’accueil, d’un air entendu, qui voulait dire « on est des habitués », et on entre. On l’entend nous appeler et dire « vous avez oubliés vos verres de dégustation, messieurs », et on la regarde d’un air confus, qui voulait dire « on n’est pas des habitués ».

                Et là, évidemment, c’est grandiose. Il y a genre trois cents – 120 selon la police, 450 selon les manifestants, 600 selon mon pote qui avait un poil trop bu - stands de vins, de spiritueux et de sandwiches à 10€ parce qu’ils savent bien que tu vas fatalement vouloir éponger et que tu auras de plus en plus de mal à déceler la bonne affaire de l’arnaque. Du coup, petit conseil pratique, ramenez des TUC. Ou carrément une fondue, mais attention quand vous passez au détecteur à métaux.

                Bon alors évidemment, on était peut-être novices, mais on a mis au point un plan d’action précis. Je suis quelqu’un d’organisé. D’abord, les vins blancs secs. Ensuite, les moelleux, doux, liquoreux. Et pour finir les rouges. Eh bin mon vieux, je peux te dire, heureusement qu’on n’aime pas le rosé, parce qu’on ressortait embarqués par les pompiers, ambiance coma éthylique. Bin oui, comme on n’est pas habitués, on n’a pas compris à quoi servaient les bassines devant les stands. En fait, on a même cru que c’étaient des urinoirs et c’est quand on s’est fait sortir qu’on a compris qu’on était dans l’erreur (je sais, il y a énormément de conjonctions de subordination dans cette phrase).

 

Quand tu te fais embarquer et que les mecs rigolent pas. (Dédicace à un ami qui nous a offert un repas au Pineau, croyant que c'était du Pinot. Alors que Pineau apéritif et Pinot simple flic)

Quand tu te fais embarquer et que les mecs rigolent pas. (Dédicace à un ami qui nous a offert un repas au Pineau, croyant que c'était du Pinot. Alors que Pineau apéritif et Pinot simple flic)

L’Attention

                Alors forcément, quand on arrive dans un univers qu’on ne connaît pas bien et où tous les gens ont l’air d’être des habitués, ont trente ans de plus que toi pour la plupart et s’appellent Jean-Charles et Marie-Pierre (ouuuuh la vilaine caricature !), tu n’es pas à l’aise. Tu n’oses tout simplement pas aller devant le premier stand et demander à déguster sans autre forme d’introduction (je vous rassure, au bout de trois ou quatre verres, il n’y a plus aucune inhibition et tu vas te servir tout seul. C’est là qu’on s’est fait virer la deuxième fois). Du coup, tu ruses, tu inventes, tu cherches la meilleure introduction possible pour qu’on te propose tout naturellement de déguster. Alors qu’en vrai, il suffit de te rapprocher du stand et de dire bonjour. Voici nos plus belles trouvailles :

  • « Bonjour ! Alors voilà, j’ai été missionné par ma mère –– mon meilleur ami – ma maîtresse – ma prof de maths RAYER LA MENTION INUTILE pour trouver un vin qui se marie bien avec la raclette. Vous avez ça en stock ? » Bon alors évidemment, il faut éviter cette approche sur un stand de Bordeaux ou de Corse. C’est la technique de l’idée précise, du mec qui sait ce qu’il cherche, qu’est pas là pour rigoler, il est sérieux le gars. En vrai, ça ne sert pas à grandchose, parce que le vendeur s’en fout et te fera de toute façon tout goûter. Et au final tu repars avec un vin qui accompagne à merveille le mont d’or, mais c’est pas très grave parce que c’est bon aussi le mont d’or et tant pis pour ta mère – ton meilleur ami – ta maîtresse – ta prof de maths.
  • La technique dite du cinéphile, qu’en plus tu peux filer un peu. Je n’en suis pas peu fier de celle-là. Évidemment, le nombre de variantes possibles est proportionnel à ta culture cinématographique. Du coup moi, j’en ai deux.
    • La deuxième (oui je commence jamais dans l’ordre, je suis pas du tout quelqu’un d’organisé, j’ai menti, et d’ailleurs on a commencé par les vins blancs moelleux), a super bien marché, j’ai même décroché un p’tit sourire à la vendeuse, sur le coup j’étais content et après je me suis rendu compte qu’elle avait 60 ans.

               « Oh tiens, Saint-Amour. Je suis super curieux, parce que j’ai vu le film avec Poelvoorde et Gérard Depardieu, et depuis je me suis promis d’y goûter ! » Donc du coup t’engages la discussion sur ce film (qu’en vrai j’ai pas vu, mais elle non plus donc on a pu lui raconter n’importe quoi) et en dégustant tu te fends d’un petit : « Oh bah en tout cas, le vin est meilleur que le film ! » Et tout le monde rit, et dans l’euphorie tu achètes un carton oh et puis deux soyons fou, et le lendemain tu regrettes parce que tu es à découvert, alors tu mangeras des pâtes pendant un mois, mais avec du Saint-Amour.

    • La première c’est la version Hannibal Lecter : « Bonjour voilà, j’ai été interrogé par un employé du recensement et j’ai pour projet de déguster son foie avec des fèves au beurre. On peut goûter votre chianti ? » C’est là qu’on s’est fait virer la troisième fois.
Certains vignerons pressent encore leurs raisins à la main. (Mais apparemment, ça fatigue)

Certains vignerons pressent encore leurs raisins à la main. (Mais apparemment, ça fatigue)

Le mépris

Je l’ai dit, ces techniques sont complètement inutiles, parce qu’en fait, tu viens, tu dégustes, et tu te casses. Bien sûr quand t’es pas habitué, tu te sens obligé de commenter ce que tu bois et ça donne lieu à des grands moments d’anthologie. Comme quand la vendeuse te regarde d’un air blasé, lève les yeux au ciel, te dit « oui » tout en faisant « non » avec sa tête. Franchement, j’ai essayé et ça demande pas mal de boulot niveau coordination, donc on sent qu’il y a de l’entraînement. La nana séchait pas les cours de mépris à l’école d’œnologie. C’est globalement ce qui est ressorti de notre petite sauterie expérience sociologique : la condescendance de certains professionnels envers les néophytes. Comme si le débutant allait le rester toute sa vie, et ne pas rentrer dans le cercle d’initiés. Évidemment, certains prennent le temps de t’expliquer, mais d’autres t’envoient assez rapidement bouler, te regardent avec leurs yeux qui crient « mais qu’il est con ». Bon évidemment, c’était les dernières heures du dernier jour, et tout le monde était crevé, mais quand même. Parfois, j’me croyais en terrasse à Paris.

                Alors au bout d’un moment, tu vois que tu es pris pour un con et tu joues au con, et là ça devient très marrant, tu t’amuses à trouver le vin « fluide », « complexe », à dire au vendeur que « le vin est comme vous, il a l’accent », avec un sourire de débile, à répéter bêtement au stand d’après ce que le vendeur du stand d’avant te disait de son vin, et quand le vigneron te dit que c’est « le vin des copains », à entonner en chœur : « c’est le vin des copains, le vin de l’amour et de l’aventure ».

                Bien entendu, je force le trait, mais c'est vrai que le vin est une boisson moins facile d'accès, et certains de ces acteurs le sont également. Mais on a tout de même fait de super rencontres (Patrick si tu me lis, encore désolé pour tes pompes!) et de super découvertes, on est reparti avec de belles bouteilles, et on va remettre ça l’année prochaine. Et même qu’on sera plus des novices ! En attendant, on a quelques bons millésimes à déguster. Avec ou sans mont d’or. Mais toujours avec ma prof de maths.    

Vins en cave

Vins en cave

Le Paradis

En exclusivité pour vous, ma liste d'achats! #blogueurdequalité

  • Côtes du Jura 2011, Pierre Richard (Savagnin – Chardonnay)

On ne parle pas ici du grand blond avec une chaussure noire, (qui fait aussi du vin, mais à Gruissan, dans l’Aude), mais d’un homonyme qui nous a proposé un Côtes du Jura 2011. Le Savagnin donne un goût très typé, vraiment original (un peu de noisettes ?) mais avec du caractère, pas forcément facile d’accès pour ceux qui aiment les blancs classiques. Idéal avec les fromages de la région, comme le comté ou le morbier, mais surtout avec du mont d’or au four. Quelques minutes avant de retirer le fromage du four, versez quelques centilitres de vin dessus. A table. J’en salive déjà.

  • Coteaux du Layon 2014, Clos des Malonnières, Domaine Godeau

100% Chenin, 100% coup de cœur. C’est le vin de l’apéritif, le vin qui m’évoque le soleil, les pique-niques, l’été, le déjeuner sur l’herbe. En attendant Godeau.

  • Loupiac 2014, Clos ChamponSégur

Faut-il le présenter ? Une valeur sûre pour qui aime le blanc liquoreux (soit plus de 50g de sucre par litre, là où le moelleux présente entre 30 et 50 grammes). Comme je suis pas très dessert, il ira parfaitement avec du foie gras. Ça y est, j’ai faim.

  • 1955, Côtes de Bergerac

Alors là clairement, premier stand où on s’arrête, et on ne sait pas encore dire non. Du coup, on achète poliment une bouteille et après on se dit qu’il faut ou savoir ne pas acheter, ou faire moins de stands que prévu. On a opté pour la réponse 1. Blague à part, ce côtes-de-Bergerac, vin moelleux sur un foie gras, un dessert ou surtout – et là-dessus je suis chaud bouillant – un Bleu des Causses (et pas un bleu d’Écosse… ah les joies de l’oral, comme disait Rocco). Pour l’anecdote, 1955 c’est l’année où l’AOC Côtes-de-Bergerac a été officiellement reconnue.

  • Château Adélaïde, cuvée tradition 2012 ( AOC Gaillac)

Honnêtement, je pense que j’ai dû l’acheter dans les derniers parce que je ne m’en souviens plus vraiment, à part qu’il « accompagnera à merveilles vos grillades et barbecues ». Je sais pas pourquoi je l’ai pris, je suis pas fan de vin avec le barbecue. Du coup, je recopie : « ce vin à la robe foncée et aux reflets violines dévoile un nez aux notes florales, fruitées et épicées. Sa bouche ronde et soyeuse laisse en finale des arômes de myrtille et de torréfaction ».

  • Vacqueyras 2013, Domaine de Chantegut, Les clés de la magnaneraie

Le fameux accent chantant. On me l’a conseillé pour accompagner la fameuse daube provençale (un plat à base de viande de bœuf marinée dans du vin rouge), mais le côté léger et agréable me donne envie de le poser sur la table basse à l’apéro. Pour la petite histoire, la magnaneraie (ou magnanerie) c’est la pièce où l’on élevait les « manians » (ver à soie en provençal).

  • Côtes du Jura 2013, Jean-Luc Mouillard (Pinot noir)

Le fameux vin des copains ! Déjà, rien que de prononcer à voix haute « Jean-Luc Mouillard », ça présage une bonne soirée entre potes, avec un apéro qui se prolonge et des bouteilles qui se vident. Le vin en lui-même se boit bien, mais est sans prétention. Je pense que je l’ai acheté surtout pour le vigneron avec qui on a bien discuté et qui était hyper sympa. D’ailleurs c’est le seul qui a pris mon adresse pour m’envoyer une invitation. Et puis, sortir un rouge du Jura, ça surprend !

Les ambitions déçues

  • Saint-Amour, Domaine Didier Poitevin

Bon, il fallait bien une déception dans cette si belle journée. Le salon allait presque fermer quand on est donc tombé sur le stand de M. Poitevin, qui propose deux Saint-Amour, dont je n’ai évidemment pas pris les références, et qu’il ne vend évidemment pas en ligne, mais dont l’un est légèrement boisé. Et je suis tombé en amour de ce vin. Je m’imaginais déjà le boire avec des potes dans un local un peu interlope légèrement enfumé (ouais, j’aime bien les ambiances un peu sales) autour d’une piste de dés et d’un plateau de charcuteries et fromage, et le boire à grandes goulées, et tomber dans l’ivresse petit à petit, jusqu’au moment où tu te rends compte que ça fait une demi-heure que tu joues au 421 avec des dés de comté.

 

Brigand de Brigand                     

(Noblesse oblige)                      

Publié dans J'ai testé pour vous

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B
Merci pour ce beau moment de lecture. L'article est très bien écrit, j'ai esquissé quelques sourires car s'y on croirait tant l'auteur nous fait partager son expérience avec détail ! <br /> Mais également quelques soubresauts,tant on s'enivre des flux et reflux (gastriques) à l'idée de faire ce marathon viticole.<br /> Un grand merci à BdB !
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